Des États-Unis à l’Italie, en passant par le Brésil, l’ogre AB InBev rachète à tour de bras des brasseries artisanales ou crafts assimilées (les définitions variant fortement en fonction du contexte). Le monde des amateurs de bières est ébranlé. À ce rythme-là, on se demande à quoi pourra bien ressembler le paysage brassicole dans quelques années. Est-ce que la révolution craft n’était qu’une illusion, un sursaut désespéré et déjà moribond ? Bien sûr que non !
Qu’est-ce qui pousse ces brasseries à vendre leur âme au diable ? L’appât du gain ? Probablement, mais ce n’est peut-être pas aussi simple. Les raisons peuvent être multiples et s’appliquent au cas par cas : volonté d’augmentation des volumes de production, accès à un réseau de distribution international, conquête de nouveaux marchés, etc.
Quoi qu’il en soit, comment peut-on lutter contre ce phénomène grandissant ? Comment éviter que nos “petites” brasseries artisanales ne soient charmées par les sirènes du premier groupe brassicole mondial ? En Belgique, nous ne sommes encore qu’aux prémisses d’une révolution qu’il est déjà temps de parler de résistance. Car c’est bien de cela qu’il s’agit ! Le combat paraît déséquilibré. D’un point de vue pécunier, l’affrontement est inutile. Miser sur la qualité ? Bien sûr. Même si nous n’avons pas encore de recul sur l’évolution en termes qualitatifs des récents rachats (Del Borgo dernier en date), il y a fort à parier que l’histoire se répète.
La communication est toujours comparative. Elle peut être frontale voire agressive (cf. les premières publicités de BrewDog) mais peut aussi revêtir un caractère plus subtil. Apprenons des meilleurs, car il faut bien reconnaître que l’industrie excelle généralement en matière de communication. Il suffit de visionner le dernier spot de Duvel Moortgat pour se rendre compte qu’il possède deux niveaux de lecture. Le grand public y verra une scène cocasse où des musiciens se produisent pour des bouteilles de bière. Mais c’est aussi un message envoyé aux connaisseurs pour leur faire savoir que leurs produits prennent le temps de maturer, sous-entendu “contrairement à d’autres”. Si l’accès aux écrans publicitaires des grandes chaînes est bien entendu hors de portée pour les brasseries artisanales, des réseaux de diffusion comme YouTube et autres réseaux sociaux sont une chance formidable de toucher un maximum de personnes à moindre coût.
Nos brasseries artisanales peuvent mettre en avant une qualité différenciée, expliquer pourquoi leur produit est plus cher, au vu des matières premières utilisées et au non recours à des artifices visant à limiter la quantité d’ingrédients nobles et à accélérer le processus de fabrication. L’aspect local (ancrage géographique et même notion de terroir lorsque certains ingrédients sont produits à proximité de la brasserie) est une autre caractéristique dont il faut faire la publicité. Montrer les brasseurs, jouer la carte de l’humain. L’heure est à l’organisation et à l’offensive, chers artisans brasseurs !